Démocratie et justice

La société civile en 2023 : la voix des ONG continue d’être ignorée par les gouvernements

Le rapport 2023 sur l'état de droit de Liberties révèle que les gouvernements de l'UE continuent d’ignorer les demandes de la société civile en 2022. Cette hostilité alimente les perceptions négatives du public à l'égard des défenseurs des droits.

by Eleanor Brooks

Le rapport 2023 de Liberties sur l'état de droit constitue la quatrième édition de notre rapport annuel et contribue à la consultation des parties prenantes de la Commission européenne (CE) dans le cadre de la rédaction de son rapport sur l'état de droit, qui doit être publié plus tard cette année. Notre rapport alternatif représente le rapport le plus complet élaboré par un réseau d'ONG, couvrant 18 pays européens. Il est le fruit d'une collaboration entre 45 organisations membres et partenaires.

L'espace civique constitue l'un des thèmes clés de notre rapport. Les acteurs de la société civile, tels que les ONG, les défenseurs des droits humains ou les initiatives citoyennes, jouent un rôle essentiel dans la défense et le renforcement de l'état de droit. Quand les citoyens sont libres de s'organiser et de se mobiliser à travers des associations, nos représentants élus sont plus susceptibles de prêter attention à nos préoccupations. Cependant, les conclusions de notre rapport suggèrent que les gouvernements de l'UE ne reconnaissent pas suffisamment l'importance des organisations de la société civile (OSC) et, dans certains cas, les attaquent même pour faire taire les critiques et empêcher les citoyens de se rassembler pour exiger des changements.

La liberté d’association sous pression

Plusieurs de nos organisations membres et partenaires signalent que la liberté d'association est menacée dans leur pays.

De nouvelles règles encadrant la société civile instaurent un climat d'incertitude et de crainte. Aux Pays-Bas, par exemple, des inquiétudes sont soulevées par un nouveau projet de loi qui permettrait de dissoudre des ONG pour des raisons d'ordre public. Cette situation est déjà devenue une réalité en France, où une loi sur les valeurs républicaines a entraîné la dissolution d'ONG faisant campagne contre la haine anti-musulmane.

Ailleurs, aucune mesure n'a été prise pour résoudre les problèmes de longue date qui entravent le travail des OSC ; en Allemagne et en Irlande, des règles inadéquates et obsolètes, sources d'incertitude juridique, contraignent encore les OSC à restreindre leurs efforts de défense des droits humains.

Les OSC et les activistes sont exclus des discussions ou réduits au silence

Les gouvernements européens semblent fuir activement leur responsabilité d'encourager l'engagement civique. Il n'est pas surprenant que les OSC se sentent exclues lorsqu'il s'agit de participer à l'élaboration des politiques. Nos organisations partenaires en Croatie, en Italie et en Slovaquie signalent que l'État ne tient tout simplement pas compte des contributions de la société civile. La Slovénie offre une rare perspective positive, où le nouveau gouvernement de centre-gauche renforce le dialogue avec les OSC. Des développements positifs peuvent également être observés en République tchèque, où le gouvernement a adopté une stratégie visant à mieux impliquer les OSC dans l'élaboration des politiques.

La restriction du droit de manifester, qui découlait à l'origine de préoccupations sanitaires liées à la pandémie de Covid-19, se poursuit, bien que les grands rassemblements publics ne présentent plus de danger. Les manifestants pour la protection du climat, en particulier, sont sous le feu des critiques et font l'objet de restrictions disproportionnées en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède. En Belgique, les maires se sont vu accorder le pouvoir d'imposer une interdiction préventive des manifestations de ceux qui sont considérés comme des "fauteurs de troubles". En Italie, le nouveau gouvernement de droite a provoqué une onde de choc dans la société civile lorsqu'il a annoncé son "projet de loi anti-rave", faisant craindre qu'il ne soit utilisé pour restreindre le droit de manifester.

Les défenseurs des droits sont souvent la cible de poursuites-bâillons (poursuites judiciaires contre la mobilisation publique, de l’acronyme anglais SLAPP), des procès fallacieux intentés dans le seul but de les réduire au silence. En Croatie, par exemple, les poursuites-bâillons deviennent une tactique courante pour intimider les militants écologistes.

Les violations des droits humains persistent alors que les appels de la société civile restent sans réponse

Nombre de ces questions ont été soulevées dans le rapport de l'année passée. Toutefois, plutôt que de répondre aux préoccupations soulevées par la société civile ou de suivre les recommandations par pays de la Commission européenne, la plupart des gouvernements de l'UE n'ont pas adopté de mesures adéquates visant à améliorer la situation et, dans certains cas, ils semblent décidés à poursuivre sur la voie du recul démocratique.

Compte tenu des nombreux défis qui nous attendent, de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en passant par le changement climatique, il est essentiel que les gouvernements soient à l'écoute des besoins et des préoccupations de leurs citoyens pour garantir le respect des droits de l'homme. Plutôt que de considérer les OSC comme des ennemis, les gouvernements devraient s'appuyer sur elles en soutenant leur travail et en reconnaissant le rôle de la société civile dans le maintien de la démocratie. L'Union européenne devrait montrer l'exemple, mais l'attention déplacée portée aux OSC à la suite de l'affaire Qatargate constitue un pas inquiétant dans la mauvaise direction. La société civile établit une passerelle entre le peuple et l'État, permettant aux citoyens d'exprimer leurs opinions et d'influencer les décisions. Mais c'est aux gouvernements d'écouter.

Ressources

Le rapport complet « Liberties Rule of Law Report 2023 » est disponible ici (en anglais).

Lire des articles connexes (en anglais) :

Tools to Stop Corruption Are Too WeakSee previous rule of law reports

Civil Society in 2023: NGOs Still Left Out in the Cold

Rapports 2023 par pays et organisation(s) :

  • Le Rapport 2023 comprend les contributions de 45 organisations de défense des droits humains, représentant 18 États membres de l'UE :
    • Ligue des droits humains (Belgique),
    • Bulgarian Helsinki Committee (Bulgarie),
    • Centre for Peace Studies (Croatie),
    • League of Human Rights, Glopolis (République tchèque),
    • Human Rights Center (Estonie),
    • Vox Public (France),
    • the Society for Civil Rights, FragDenStaat, LobbyControl (Allemagne),
    • the Hungarian Civil Liberties Union (Hongrie),
    • the Irish Council for Civil Liberties, Irish Congress of Trade Unions, Trinity College Dublin School of Law, The Immigrant Council of Ireland, Inclusion Ireland, Intersex Ireland, Community Law and Mediation, Justice for Shane, Mercy Law Resource Centre, Irish Penal Reform Trust, The National Union of Journalists, Age Action Ireland, The Irish Network Against Racism, Outhouse, Irish Traveller Movement, Pavee Point, FLAC-Free Legal Advice Centres, Mental Health Reform (Irlande),
    • Antigone Association, Italian Coalition for Civil Liberties and Rights (CILD), A Buon Diritto Onlus, Association for Juridical Studies on Immigration or ASGI,Osservatorio Balcani e Caucaso Transeuropa (OBCT) (Italie),
    • Human Rights Monitoring Institute (Lituanie),
    • Netherlands Helsinki Committee, Free Press Unlimited, Transparency International Nederlands (Pays-Bas),
    • the Helsinki Foundation for Human Rights (Poland),
    • Apador-CH (Roumanie),
    • Via Iuris (Slovaquie),
    • Peace Institute (Slovénie),
    • Rights International Spain (Espagne),
    • Civil Rights Defenders, International Commission of Jurists (Suède)

Les précédents rapports annuels sur l'état de droit de Liberties sont disponibles ici : 2020, 2021, 2022

L'élaboration de ce rapport a été financée par l'UE.

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