Démocratie et justice

Les gouvernements continuent d'affaiblir la démocratie en 2022 : rapport sur l'état de droit de Liberties 2023

Communiqué de presse

by LibertiesEU

Les gouvernements continuent d'affaiblir la démocratie en 2022, comme le montre le rapport annuel sur l'état de droit publié par 45 organisations de défense des libertés.

Les dirigeants autoritaires conservent leur emprise en Pologne et en Hongrie. La Slovénie se remet sur pied.

Berlin – Bruxelles, 21.02.2023

La plupart des pays de l'UE ont entrepris peu d'efforts pour résoudre les problèmes avérés en matière de respect de l'état de droit, ont négligé les lacunes existantes ou ont même aggravé la situation dans tous les domaines évalués, selon le rapport « Liberties Rule of Law Report 2023 » (rapport sur l’état de droit de Liberties, le « rapport » ci-après). Dépassant la portée de l'audit annuel de la Commission européenne sur l'état de droit, le rapport présente les évolutions les plus marquantes en matière de système judiciaire, de corruption, de liberté des médias, d'équilibre des pouvoirs, d'espace civique et de questions systémiques relatives aux droits humains en 2022. Toutes les données ont été collectées par un total de 45 organisations de défense des droits humains dans 18 pays de l'UE. Le rapport constitue l'exercice de « rapport alternatif » le plus approfondi sur l'état de droit à ce jour rédigé par un réseau indépendant de défense des libertés dans l'UE.

  • « LES CAS EXTRÊMES » : La HONGRIE et la POLOGNE restent les pires contrevenants en matière de respect de l'état de droit. Bien que l'UE ait activé son tout nouveau régime de conditionnalité pour suspendre les fonds européens destinés à la Hongrie, cela n'a pas encore donné lieu à de véritables améliorations sur le terrain. De même, les réformes négociées avec la Pologne en échange du déblocage des fonds de l'UE dans le cadre du plan de relance pour l'Europe (COVID Recovery) n'entraîneront que de modestes améliorations qui ne permettront pas de libérer les juges du contrôle politique. Ces gouvernements continuent à mettre en œuvre une série de mesures destinées à centraliser le pouvoir, faire taire leurs opposantes, contrôler l'opinion publique et rendre très difficile toute défaite aux futures élections.
  • LES « FAST LEARNERS » (ceux qui apprennent vite) : L'ITALIE, et la SUÈDE. Les premiers signes envoyés par les nouveaux gouvernements formés en Italie et en Suède en 2022 indiquent que, si le contrôle démocratique et l'équilibre des pouvoirs ne sont pas assurés, les coalitions au pouvoir risquent de se tourner vers l'autoritarisme. Par exemple, nous avons déjà constaté une forte augmentation des attaques rhétoriques visant les ONG et les médias de la part de ces deux nouveaux gouvernements. Toutefois, ces pays disposent d'institutions indépendantes solides qui, à court terme, empêchent tout virage vers l'autoritarisme tel que celui entrepris en Hongrie et en Pologne.
  • LA SLOVÉNIE SUR LA VOIE DU REDRESSEMENT. En revanche, les évolutions en Slovénie depuis le remplacement du gouvernement d'extrême droite montrent que les pays peuvent remettre sur pied leur démocratie. Le rapport rend compte, par exemple, des efforts déployés pour restaurer l'indépendance d'institutions telles que les services publics de radiodiffusion et pour annuler et rembourser les amendes qui avaient été illégalement infligées par le précédent gouvernement d'extrême droite aux citoyens qui prenaient part à des manifestations.
  • RÉSULTATS MITIGÉS AU NIVEAU DE L'UE. Alors que la situation dans les États membres continue d'évoluer dans le mauvais sens, l'UE a connu un succès mitigé en exerçant une influence positive. Dans le contexte de la guerre de la Russie contre l'Ukraine, l'UE a décidé de prendre des mesures plus fermes à l'encontre de la Hongrie (qui s'est isolée politiquement en soutenant la Russie) que de la Pologne (qui a fait des efforts pour soutenir l'Ukraine). Cependant, dans le même temps, la réaction de l'UE aux menaces émergentes pour la démocratie a soulevé des inquiétudes. Par exemple, la décision de l'UE de bannir Russia Today et Sputnik afin de lutter contre la désinformation financée par l'État russe a suscité de vives préoccupations, car elle pourrait établir un dangereux précédent. Et les révélations choquantes du scandale de corruption du « Qatargate », qui ont secoué le Parlement européen, ont probablement porté atteinte à la crédibilité et à la réputation morale de l'UE, qui devra gagner le soutien du public pour protéger l'État de droit, en particulier lorsque cela implique des mesures que les autoritaires peuvent tourner à leur avantage, comme des réductions des fonds européens.

LES TENDANCES ACTUELLES PAR THÉMATIQUE

> LIBERTÉ DES MÉDIAS : Dans de nombreux pays, le travail des journalistes est devenu plus difficile. Les gouvernements de Pologne et de Hongrie ont continué d'utiliser les services publics de radiodiffusion pour disséminer leur propagande. En Slovaquie et en Suède, nous avons constaté que l'indépendance de ces derniers vis-à-vis du gouvernement était menacée. Dans de nombreux pays, un nombre restreint de propriétaires continue de détenir la plupart des médias privés, ce qui leur permet d'influencer l’opinion publique. C'est le cas en Italie, aux Pays-Bas, en République tchèque, en France et en Slovénie. Les journalistes qui tentent de couvrir des sujets tels que la corruption se retrouvent harcelés et visés par des poursuites judiciaires bâillons (ou poursuites judiciaires contre la participation publique, de l'acronyme anglais SLAPP), notamment en Bulgarie, en Croatie, en Hongrie, en Italie, aux Pays-Bas et en Pologne. À travers toute l'UE, des journalistes ont également été agressés verbalement et physiquement par des citoyennes ou par l'État, comme en Allemagne, en Bulgarie, en Croatie, en Espagne, en Estonie, en France, en Hongrie, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, en République tchèque, en Roumanie et en Suède. Le nouveau gouvernement slovène a entamé une série de réformes visant à dépolitiser les médias du service public et à rétablir leur indépendance après qu'ils ont été contrôlés par le précédent gouvernement d'extrême droite.

> JUSTICE : en 2022, nous avons observé de nombreux cas où les tribunaux se trouvaient dans l'incapacité de faire leur travail. Par exemple, en Bulgarie, en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie et en Espagne, nous avons constaté que les responsables politiques avaient leur mot à dire sur le choix des juges, leur promotion et les mesures disciplinaires prononcées à leur encontre. La pression politique exercée sur les juges est restée forte en Hongrie et en Pologne, et en 2022, ces dernieres ont dû faire face à de nouvelles campagnes de dénigrement. Nous avons également constaté que les pays membres n'en font vraiment pas assez pour faciliter l'accès aux tribunaux. Par exemple, les gouvernements n'accordent pas suffisamment de ressources aux systèmes judiciaires en Belgique, en Croatie, en Estonie, en France, en Allemagne, en Italie, en Irlande et en Pologne. Par conséquent, il faut un temps anormalement long pour qu'une décision soit rendue, parce qu'il n'y a pas assez de fonds pour engager suffisamment de juges, par exemple.

> CORRUPTION : Le rapport a conclu que les règles et mécanismes mis en place par de nombreux gouvernements étaient trop faibles pour mettre fin à la corruption. Nous avons observé une profonde corruption en Hongrie, bien que le gouvernement ait apporté quelques améliorations superficielles afin d'obtenir les fonds de relance COVID et les fonds structurels. Mais de nombreux autres pays sont confrontés à des problèmes de corruption. Par exemple, en République tchèque et aux Pays-Bas, il est très difficile pour la population de savoir à quelles entreprises le gouvernement décide d'attribuer des contrats. En France et en Croatie, le gouvernement a attribué des contrats à des alliés commerciaux, tandis qu'en Belgique et en Irlande, les mécanismes créés en vue de lutter contre la corruption n'ont pas été dotés des ressources nécessaires en vue de mener à bien leur mission. De nombreux pays n'ont pas non plus accordé aux lanceurs d'alerte le niveau de protection exigé par la nouvelle directive européenne, comme les Pays-Bas et la Croatie, ou n'ont toujours pas adopté de législation nationale, comme la Bulgarie, la République tchèque, l'Estonie, l'Italie, la Slovaquie et l'Espagne.

> ESPACE CIVIQUE : En 2022, de nombreux gouvernements ont entravé la survie et le travail des organisations de la société civile à but non lucratif. Plusieurs pays ont maintenu, introduit ou proposé de nouvelles lois qui renforcent les pouvoirs du gouvernement en matière de dissolution des ONG. D'autres lois sont délibérément vagues quant aux activités susceptibles d'entraîner la fermeture ou la perte du statut d'utilité publique, ce qui rend les ONG moins susceptibles de s'exprimer librement sur des sujets que les responsables politiques préfèrent ne pas aborder. C'est le cas, par exemple, en République tchèque, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne. Nous avons également assisté à des campagnes de dénigrement et à un harcèlement juridique visant les ONG en Croatie, en France, en Allemagne, en Irlande, en Italie, en Slovénie et en Suède. Ces actes ont été particulièrement graves à l'encontre des organisations œuvrant à la protection des personnes migrantes et à la lutte contre le changement climatique. Plusieurs pays ont également usé de leurs pouvoirs pour restreindre le droit de manifester, notamment à l'égard des personnes appelant à l'action contre le changement climatique, par exemple en Allemagne, en Belgique, en Estonie, en France, en Italie, aux Pays-Bas et en Suède. Dans certains cas, les autorités ont agi dans le cadre de pouvoirs spéciaux qui avaient été mis en place pour faire face à la pandémie et qui sont toujours en vigueur.

> DROITS HUMAINS ET PROBLÈMES SYSTÉMIQUES : Certains gouvernements ne cessent de s'en prendre à certains groupes de la société. Il s'agit souvent d'un moyen de détourner l'attention de la population de leur propre incapacité à résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontées, en rejetant la responsabilité sur n'importe qui d'autre que les responsables politiques, qui euxelles ont un pouvoir de décision. En 2022, nous avons observé des attaques verbales continues ainsi que des mesures souvent restrictives et punitives à l'encontre des personnes qui migrent (en Croatie, Estonie, France, Allemagne, Hongrie, Italie, Irlande, Lituanie, Slovénie et Espagne), des personnes issues de minorités ethniques (en Bulgarie, France et Suède) et des personnes LGBTIQ (en République tchèque, Hongrie, Irlande et Slovaquie).

> CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE ET ÉQUILIBRE DES POUVOIRS : Ces dernières années, les gouvernements ont abusé et continuent d'abuser des procédures accélérées, et ce, sans transparence vis-à-vis de la population. Dans plusieurs pays, il s'agit d'un héritage de la pandémie, où les gouvernements ont accéléré le processus d’adoption de nouvelles lois et politiques afin de pouvoir réagir rapidement, à des fins de protection de la santé publique. Dans certains cas, cela s'apparente à une tentative délibérée d'empêcher les citoyennes de s'exprimer. Nous avons observé ces problèmes en Croatie, en République tchèque, en France, en Allemagne, en Irlande, en Hongrie, en Roumanie et en Slovaquie.En 2022, nous avons constaté que de nombreux pays n'ont pas donné à leurs institutions l'indépendance, les ressources ou les pouvoirs nécessaires pour mener à bien leur mission, par exemple pour s'assurer que les gouvernements respectent les règles lorsqu'ils légifèrent. C'est ce que nous avons observé en Allemagne, en Belgique, en Bulgarie, en Croatie, en France, en Hongrie, en Irlande et en République tchèque. Ailleurs, comme en Italie, les gouvernements semblent incapables ou peu désireux de créer une institution indépendante qui soit chargée de promouvoir et de protéger les droits de l'homme.

À propos du rapport

  • C'est la quatrième fois depuis le début de l'année 2019 que Liberties publie un rapport annuel sur l'état de droit. En plus de réunir les rapports individuels par pays rédigés par les organisations membres et partenaires, le rapport inclut un aperçu des tendances générales sur l'état de droit dans l'UE, compilé par Liberties. Il émet également des recommandations détaillées adressées à la fois aux gouvernements nationaux et aux institutions de l'UE, visant à remédier aux lacunes identifiées dans chacun des domaines couverts. Le rapport émet aussi des recommandations quant à la manière dont la Commission européenne pourrait améliorer l'impact de son exercice de surveillance.
  • Dépassant le cadre de l'audit annuel de la Commission européenne sur l'état de droit, le rapport 2023 sur les libertés présente les évolutions les plus importantes en matière de justice, de corruption, de liberté des médias, d'équilibre des pouvoirs, d'espace civique et de questions systémiques relatives aux droits humains en 2022, telles que recueillies par 45 organisations de défense des droits humains dans 18 pays de l'UE. Le rapport constitue l'exercice de « rapport alternatif » le plus approfondi à ce jour sur l'état de droit élaboré par un réseau indépendant de libertés civiles dans l'UE. Veuillez noter que toutes les organisations contributrices n'ont pas recueilli des informations sur tous les domaines couverts par le rapport.
  • Le Rapport 2023 comprend les contributions de 45 organisations de défense des droits humains, représentant 18 États membres de l'UE :
    • Ligue des droits humains (Belgique),
    • Bulgarian Helsinki Committee (Bulgarie),
    • Centre for Peace Studies (Croatie),
    • League of Human Rights, Glopolis (République tchèque),
    • Human Rights Center (Estonie),
    • Vox Public (France),
    • the Society for Civil Rights, FragDenStaat, LobbyControl (Allemagne),
    • the Hungarian Civil Liberties Union (Hongrie),
    • the Irish Council for Civil Liberties, Irish Congress of Trade Unions, Trinity College Dublin School of Law, The Immigrant Council of Ireland, Inclusion Ireland, Intersex Ireland, Community Law and Mediation, Justice for Shane, Mercy Law Resource Centre, Irish Penal Reform Trust, The National Union of Journalists, Age Action Ireland, The Irish Network Against Racism, Outhouse, Irish Traveller Movement, Pavee Point, FLAC-Free Legal Advice Centres, Mental Health Reform (Irlande),
    • Antigone Association, Italian Coalition for Civil Liberties and Rights (CILD), A Buon Diritto Onlus, Association for Juridical Studies on Immigration or ASGI,Osservatorio Balcani e Caucaso Transeuropa (OBCT) (Italie),
    • Human Rights Monitoring Institute (Lituanie),
    • Netherlands Helsinki Committee, Free Press Unlimited, Transparency International Nederlands (Pays-Bas),
    • the Helsinki Foundation for Human Rights (Poland),
    • Apador-CH (Roumanie),
    • Via Iuris (Slovaquie),
    • Peace Institute (Slovénie),
    • Rights International Spain (Espagne),
    • Civil Rights Defenders, International Commission of Jurists (Suède).
  • ● Les précédents rapports annuels sur l'état de droit de Liberties sont disponibles ici : 2020, 2021, 2022.

À propos de Liberties

Civil Liberties Union for Europe (L'Union des libertés civiles pour l'Europe, Liberties) est une organisation de défense des libertés basée à Berlin. Elle regroupe 18 organisations membres dans toute l'UE et fait campagne sur diverses questions relatives aux droits humains et numériques, dont l'état de droit, la liberté des médias (plus les poursuites bâillons), le respect de la vie privée, la publicité ciblée, l'IA et la surveillance de masse.


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