Technologies et droits

#StopSLAPPs - Les journalistes et ONG ont besoin d'une loi qui les protège face aux poursuites judiciaires malveillantes

Pour faire taire les critiques, nombre de responsables politiques corrompus et chefs d'entreprises puissants attaquent en justice journalistes et activistes. Une pratique qui menace l'état de droit dans l'UE. Voici les solutions que nous proposons.

by Linda Ravo

Les responsables politiques et hommes/femmes d'affaire puissant.e.s en Europe utilisent de plus en plus la loi et la justice à mauvais escient en vue d'intimider les journalistes et activistes, de faire couler leurs organisations et de les réduire au silence. Ces poursuites judiciaires fondées sur des demandes abusives sont connues sous l'acronyme SLAPPS (Strategic Lawsuit Against Public Participation, poursuites stratégique contre la mobilisation publique). Alors que la Commission s'apprête à dévoiler son plan d'action pour la démocratie dans l'UE, Liberties et xx autres ONG dans toute l'Europe ont rendu public un modèle de loi anti-SLAPP pour montrer aux législateurs européens que des règles permettant de protéger journalistes et activistes sont plus que jamais indispensables.

Plus tôt cette années, Liberties a rejoint un groupe d'ONG basées dans toute l'Europe pour soutenir leurs efforts visant à demander aux législateurs européens de réagir et mettre fin aux poursuites-bâillons ou poursuites stratégique contre la mobilisation publique (SLAPPS en anglais, qui signifie également "gifle"), visant à intimider les journalistes d'investigation et défenseurs des droits humains. Notre engagement a donné lieu à une proposition d'un modèle de loi pour lutter contre ces poursuites malveillantes afin d'exhorter les législateurs à mettre en place rapidement des règles fortes pour protéger ces acteurs et nos démocraties face à ces pratiques abusives.

Que sont les "Slapps" et en quoi constituent-elles un problème ?

Dans les pays de l'UE, les affaires de poursuites visant à faire taire les journalistes ou ONG ne manquent pas. Quand Daphne Caruana Galizia a été assassiné alors qu'elle enquêtait, elle était déjà visée par plus de 40 poursuites judiciaires visant à l'intimider. Certaines poursuites sont encore en cours contre son mari et ses trois enfants. Depuis 2015, le deuxième quotidien de Pologne a reçu plus de 55 menaces de poursuites judiciaires par plusieurs personnes, dont des membres du parti au pouvoir. En France, l'homme d'affaire Vincent Bolloré et ses entreprises du groupe Bolloré ont traîné des journalistes et ONG en justice pour diffamation afin qu'ils cessent de s'intéresser à ses intérêts en Afrique. En Espagne, un producteur de viande, M. Coren, demande 1M€ de dommages et intérêts à un militant écologiste pour avoir critiqué ses pratiques de gestion des déchets. Il avait avant cela menacé des activistes et scientifiques qui faisaient des recherches sur le niveau de nitrate d'eaux locales.

L'objectif d'une "SLAPP", une poursuite stratégique contre la mobilisation publique, ce n'est pas tant de gagner le procès au tribunal, mais d'entraîner des coûts de procédures juridiques pour les personnes attaquées, de façon à épuiser leurs ressources et moyens, et détruire leur vie personnelle. Ces poursuites malveillantes constituent une forme très importante de censure que les personnes puissantes utilisent pour réduire au silence les critiques et se protéger de toute surveillance publique de leurs activités. En effet, se voir menacer de telles poursuites fait peur à la plupart des autres journalistes et organisations et les dissuade d'alerter et enquêter sur les pratiques illégales et non-éthiques de responsables politiques corrompus ou chefs d'entreprise.

Les journalistes, activistes et militants défenseurs des droits aident au bon fonctionnement de la démocratie et de l'état de droit. À travers leur travail, ils font la lumière sont les affaires de corruption et les abus, permettent aux citoyens de se faire des opinions bien éclairées, influencent les décisions prises par ceux qui sont au pouvoir sur des questions d'intérêt public. Les citoyen.ne.s sont censé.e.s être responsables de leur démocratie. Tolérer ce genre de poursuite judiciaires malveillantes, c'est permettre aux politiciens corrompus et entreprises malhonnêtes d'abuser des lois et de notre justice pour faire taire ceux sur qui les citoyens comptent pour que les puissant aient aussi à rendre des comptes. C'est faire taire les citoyens et les tenir à l'écart de la démocratie. Et pourtant, aucun pays de l'UE ne dispose de règles décentes afin de mettre fin à de telles pratiques abusives.

Des règles au niveau de l'UE pourraient changer la donne

Ces poursuites malveillantes destinées à gêner voire détruire le travail de ceux qui assurent le bon fonctionnement de la démocratie sont donc une menace pour les valeurs européennes et l'ordre juridique de l'UE.

Elles entravent la démocratie en réduisant au silence les journalistes et activistes qui permettent aux citoyens d'être informés des agissements de ceux qui sont au pouvoir et d'avoir un mot à dire sur des questions d'intérêt public. Ces poursuites portent atteinte aux libertés en entravant l'exercice des droits et libertés telles que la liberté d'expression, la liberté de réunion et manifestation ou le droit à la justice. Elles menacent l'état de droit en empêchant certains de dénoncer les activités illégales et les affaires de corruption et d'engager des poursuites judiciaires contre ces dernières. Dans la mesure où elles abusent des lois et tribunaux, ces poursuites représentent aussi une surcharge pour nos systèmes de justice et représentent une menace pour la confiance mutuelle et la coopération entre les tribunaux des pays de l'UE. Elles découragent aussi les personnes qu'elles pourraient cibler de mener librement leur travail dans les pays où les risques de se voir poursuivi sont plus élevés, entravant la liberté de mouvement.

Le plus en plus de législateurs ont conscience de ce problème. La vice présidente de la Commission européenne, Věra Jourová, a promis d' "étudier toutes les options possibles" afin de contrer la menace représentée par ces pratiques. Le Plan d'action de l'UE pour la démocratie doit être dévoilé demain et devrait présenter les initiatives que l'UE entend mettre en place en 2021 pour traiter cette question.

Nous pensons que ce genre de poursuites malveillantes et abusives constitue un problème auquel il faut apporter des solutions au niveau de l'UE. L'une des solutions clefs réside dans la législation de l'UE. Une loi anti-SLAPP forte offrirait un niveau de protection élevé et uniforme dans tous les pays et servirait de modèle pour le rest de l'Europe et au-delà.

Notre proposition pour une directive anti-SLAPP

Afin de soutenir l'appel à l'action lancé par des ONG à travers l'UE à destination des législateurs européens, Liberties s'est mobilisé aux côtés d'autres ONG pour réfléchir au contenu d'une possible loi de lutte contre ce types de poursuites abusives. Nous publions aujourd'hui le résultat de ce travail : un modèle de directive anti-SLAPP conçu par l'une des expert.e.s en plaidoyer de Liberties, en collaboration avec divers universitaires, avocat.e.s, professionnels et victimes de SLAPPs dans les pays de l'UE et au-delà.

Ce modèle de loi propose un ensemble de règles qui, une fois en vigueur, assureraient dans chaque pays de l'UE et dans d'autres parties du monde que :

  • ce type de poursuites malveillantes soient rejetées lors des phases initiales des procédures judiciaires afin d'éviter que ces affaires traînent pendant des années et les lourdes conséquences engendrées pour les personnes/organisations visées;
  • ceux qui engagent de telles poursuites aient à payer les conséquences d'avoir voulu abuser de la loi et des tribunaux et aient à rendre publiquement des comptes;
  • les individus puissants soient découragés d'engager de telles poursuites contre journalistes et activistes dans les pays de l'UE et en dehors de l'UE;
  • les victimes de ces poursuites disposent d'assistance en vue de se défendre dans les tribunaux et que les personnes les plus vulnérables face à ces abus soient mieux protégés et défendus.

Tandis que la démocratie et l'état de droit sont de plus en plus menacés dans les pays de l'UE, nous espérons que les législateurs européens s'inspireront de ces propositions pour mettre en place des règles permettant de lutter contre ces poursuites malveillantes et de protéger les journalistes et activistes qui amènent les puissant à rendre des comptes et contribuent grandement à garantir le débat public sur des questions d'intérêt général.

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