Démocratie et justice

Les gouvernements continuent d'affaiblir la démocratie : Rapport sur l'état de droit dans l'UE, élaboré par 45 ONG

Rapport sur l’état de droit de Liberties 2023

by Israel Butler

Rapports 2023 par pays et organisation(s) :

  • Le Rapport 2023 comprend les contributions de 45 organisations de défense des droits humains, représentant 18 États membres de l'UE :
    • Ligue des droits humains (Belgique),
    • Bulgarian Helsinki Committee (Bulgarie),
    • Centre for Peace Studies (Croatie),
    • League of Human Rights, Glopolis (République tchèque),
    • Human Rights Center (Estonie),
    • Vox Public (France),
    • the Society for Civil Rights, FragDenStaat, LobbyControl (Allemagne),
    • the Hungarian Civil Liberties Union (Hongrie),
    • the Irish Council for Civil Liberties, Irish Congress of Trade Unions, Trinity College Dublin School of Law, The Immigrant Council of Ireland, Inclusion Ireland, Intersex Ireland, Community Law and Mediation, Justice for Shane, Mercy Law Resource Centre, Irish Penal Reform Trust, The National Union of Journalists, Age Action Ireland, The Irish Network Against Racism, Outhouse, Irish Traveller Movement, Pavee Point, FLAC-Free Legal Advice Centres, Mental Health Reform (Irlande),
    • Antigone Association, Italian Coalition for Civil Liberties and Rights (CILD), A Buon Diritto Onlus, Association for Juridical Studies on Immigration or ASGI,Osservatorio Balcani e Caucaso Transeuropa (OBCT) (Italie),
    • Human Rights Monitoring Institute (Lituanie),
    • Netherlands Helsinki Committee, Free Press Unlimited, Transparency International Nederlands (Pays-Bas),
    • the Helsinki Foundation for Human Rights (Poland),
    • Apador-CH (Roumanie),
    • Via Iuris (Slovaquie),
    • Peace Institute (Slovénie),
    • Rights International Spain (Espagne),
    • Civil Rights Defenders, International Commission of Jurists (Suède)

Les précédents rapports annuels sur l'état de droit de Liberties sont disponibles ici : 2020, 2021, 2022

L'élaboration de ce rapport a été financée par l'UE.

Dans une démocratie, nous décidons de la façon dont nos représentantes élues utilisent les pouvoirs et les ressources que nous leur avons confiés. Lorsque les citoyens sont aux commandes, nous pouvons exiger de nos dirigeants qu'ils fassent ce qui convient le mieux à chacune d'entre nous. Mais notre rapport montre qu'en 2022, les gouvernements de l'UE ont continué de rendre plus difficile pour les citoyens d'obtenir de leurs dirigeants qu'ils agissent au mieux de leurs intérêts.


En 2022, nous avons tous ressenti l'impact de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et des dommages causés sur le climat par la combustion de combustibles fossiles. Le coût du chauffage de nos foyers et de l'alimentation de nos familles a augmenté tellement plus rapidement que les salaires versés par les employeurs, que de nombreuses personnes ont dû choisir entre se chauffer et manger. Les inondations, les incendies, les vagues de chaleur, les tempêtes et les sécheresses ont menacé notre santé, nos réserves d'eau et de nourriture et la sécurité de nos foyers.

Ce rapport ne juge pas si les gouvernements de l'UE ont agi dans le meilleur intérêt de leurs citoyens dans les réponses qu'ils ont apportées à ces événements. Ce que le rapport constate, c'est que dans de nombreux pays de l'UE en 2022, il est devenu de plus en plus difficile pour les citoyens d'avoir leur mot à dire sur la façon dont nous gérons les problèmes auxquels nous faisons face et d'exiger les solutions que nous souhaitons. Parfois, il semble s'agir d'un effort délibéré des dirigeants visant à exclure les citoyens de leurs démocraties. Soit en affaiblissant les règles et les organisations qui font fonctionner la démocratie, soit en refusant de corriger les faiblesses que les gouvernements ont créées par le passé.

Pour que la démocratie fonctionne correctement, les citoyens comptent sur des médias de bonne qualité pour s'informer. Ils doivent pouvoir exprimer leurs préoccupations (que ce soit via les associations ou les rassemblements et manifestations) et les gouvernements doivent être disposés à les écouter, notamment en consultant leur population lorsqu'ils élaborent de nouvelles lois. Et lorsque les hommes et femmes politiques n'agissent pas dans notre intérêt, par exemple en supprimant nos libertés, en répandant la haine à des fins politiques ou en s'appropriant nos ressources, les citoyens ont besoin de mécanismes indépendants pour remédier à la situation, comme un médiateur ou un tribunal, qui soit facile à utiliser et rende une décision rapidement.

Ce sont les leviers qui devraient être entre les mains des citoyens pour que la démocratie puisse être un système de gouvernance efficace. Et en 2022, de nombreux gouvernements ont continué à les affaiblir ou à les négliger.

Les pires contrevenants

Comme nous l'avons signalé les années précédentes, la Hongrie et la Pologne demeurent les pires contrevenants. Bien que l'UE ait enclenché son tout nouveau régime de conditionnalité lié à l'état de droit afin de retenir les fonds destinés à la Hongrie, cela n'a pas encore entraîné de véritables améliorations sur le terrain. De même, les réformes négociées avec la Pologne en échange du déblocage des fonds du plan de relance de l'UE pour faire face aux conséquences de la pandémie(Covid Recovery) n'entraîneront que des améliorations modestes qui ne libéreront pas les juges du contrôle politique. Ces gouvernements continuent à mettre en œuvre une série de mesures destinées à centraliser le pouvoir, à réduire leurs opposants au silence, à contrôler l'opinion publique et à rendre très difficile la perte des futures élections.


Bien qu'il soit trop tôt pour l'avancer, les premiers signes envoyés par les gouvernements nouvellement formés en Italie et en Suède en 2022 indiquent que, si le contrôle démocratique et l'équilibre des pouvoirs institutionnels existants ne restent pas solides, les coalitions au pouvoir risquent bien de se tourner vers l'autoritarisme. Par exemple, nous avons déjà constaté une forte augmentation des attaques rhétoriques visant les ONG et les médias de la part ces deux nouveaux gouvernements.

En revanche, les évolutions observées en Slovénie, depuis le remplacement du gouvernement d'extrême droite, montrent que les pays peuvent réhabiliter leurs démocraties. Par exemple, nous avons constaté des mesures visant à restaurer l'indépendance d'institutions telles que les services de radiodiffusion publics. D'autres mesures visent encore à offrir une réparation aux citoyens qui ont été condamnés à des amendes illégales sous le précédent gouvernement d'extrême droite pour avoir manifesté.

Tendances générales

Par rapport aux années précédentes, nous constatons que les problèmes persistent quant à la santé des médias, à la liberté de manifestation des citoyens ou de travail des ONG. Les gouvernements semblent également peu enclins à écouter leurs concitoyens. En outre, nous constatons que les règles et les institutions dont le rôle est de s'assurer que les gouvernements utilisent nos ressources et nos pouvoirs pour le bien public continuent d'être privées de l'argent, des pouvoirs et de l'indépendance nécessaires en vue de mener à bien leur mission. Et de nombreux gouvernements continuent d'attaquer les groupes marginalisés, souvent pour détourner l'attention du public de leur propre incapacité à résoudre les problèmes auxquels leurs citoyens sont confrontés.

Pour ne citer que quelques exemples :

- Les journalistes qui couvrent des sujets d'intérêt public, comme la corruption, ont été harcelés et visés par des poursuites abusives en Bulgarie, Croatie, Hongrie, Italie, Pays-Bas et Pologne.

- Les gouvernements de plusieurs pays ont également usé de leurs pouvoirs pour restreindre le droit de manifester, notamment à l'égard des personnes réclamant une action contre le changement climatique, par exemple en Belgique, en Estonie, en France, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Suède. Dans certains cas, les autorités ont agi en vertu de pouvoirs instaurés par les régimes d'urgence visant à faire face à la pandémie, et qui sont toujours en place.

- En Bulgarie, en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie et en Espagne, nous avons constaté que les hommes politiques avaient leur mot à dire dans la sélection, la promotion et la discipline des juges. Nous avons également constaté que les gouvernements de Belgique, de Croatie, d'Estonie, de France, d'Allemagne, d'Italie, d'Irlande et de Pologne ont privé leurs systèmes judiciaires des ressources dont ils ont besoin pour statuer sur les affaires dans un délai raisonnable.

- Cette année, nous avons constaté la poursuite des attaques rhétoriques et des mesures souvent restrictives et punitives à l'encontre des personnes migrantes (en Allemagne, Croatie, Estonie, France, Hongrie, Italie, Irlande, Lituanie, Slovénie et Espagne), des personnes issues de minorités ethniques (Bulgarie, France, Suède) et des personnes LGBTIQ (République tchèque, Hongrie, Irlande et Slovaquie).

Nos recommandations à l'UE

Moins les citoyens peuvent contrôler les activités de leurs dirigeants, moins ceux-ci sont susceptibles de résoudre les difficultés qui les préoccupent ou de choisir les solutions qui servent le mieux nos intérêts. Lorsque les gouvernements démocratiques cessent de répondre aux besoins des citoyens, ceux-ci perdent confiance dans la démocratie et se tournent souvent vers les figures politiques autoritaires. Les gouvernements européens doivent prendre conscience qu'en n'entretenant et protégeant pas leurs démocraties, ils ouvrent la voie à des politiciens extrémistes qui n'hésiteront pas à démolir l'ensemble du système, comme cela s'est produit en Hongrie et en Pologne. Les dirigeants des pays qui affirment soutenir la démocratie doivent entretenir le système qui leur permet d'être au pouvoir.

C'est pourquoi nous proposons dans notre rapport une série de recommandations à l'UE sur la manière dont elle peut soutenir et protéger l'État de droit, la démocratie et les droits fondamentaux dans ses États membres. En un mot, nous exhortons l'UE à :

  • Activer le régime de conditionnalité lié à l'état de droit pour la Pologne et fixer le montant des fonds suspendus pour la Hongrie et la Pologne à un niveau suffisamment élevé afin de garantir l'adoption de véritables réformes de la part de Varsovie et Budapest.
  • Améliorer la manière dont elle rend compte de l'état de droit en élargissant le champ du rapport pour y inclure des facteurs contextuels qui ont une incidence sur l'état de droit ou qui en sont le signe, comme l'existence de problèmes systémiques en matière de droits de l'homme ;
  • Améliorer la manière dont elle suit les progrès ou les régressions s'appuyant sur le rapport annuel de la Commission pour établir un dialogue structuré entre les institutions et les gouvernements nationaux, auquel les parlements nationaux et la société civile peuvent contribuer ;
  • Utiliser tous les pouvoirs dont elle dispose en vue de soutenir ou de faire pression sur les gouvernements pour qu'ils promeuvent et appliquent les normes de l'État de droit, y compris la suspension des fonds accordés à un gouvernement dans le cadre du mécanisme de conditionnalité, l'octroi de fonds pour soutenir le journalisme et la société civile, les procédures d'infraction, la procédure de l'article 7 et la publication d'orientations ;
  • Veiller à ce que les initiatives à même d'avoir un impact positif sur l'état de droit soient utilisées pour promouvoir ce dernier à son plein potentiel, telles que les politiques et la législation relatives à la numérisation de la justice, la désinformation, la liberté des médias et les poursuites judiciaires;
  • S'attaquer aux principaux défis qui menacent la légitimité et à la crédibilité de l'UE, tels que le scandale du Qatargate.

À propos du rapport

Il s'agit de notre quatrième rapport annuel sur la situation de l'état de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux au sein de l'UE. Le rapport couvre 18 pays de l'UE et constitue l'analyse la plus approfondie de ce type produite par un réseau d'ONG. Le rapport a été élaboré par Liberties en collaboration avec 45 organisations de toute l'Europe : une combinaison de nos propres membres et d'un certain nombre de partenaires externes. Comme les années précédentes, la publication poursuit deux objectifs : elle constitue une source d'information que nous fournissons à la Commission européenne pour son audit annuel sur l'état de droit dans l'UE ; et une source d'analyse indépendante à disposition des journalistes, chercheurs et autres personnes intéressées par l'état de la démocratie dans l'UE.

Ressources

Le rapport complet « Liberties Rule of Law Report 2023 » est disponible ici (en anglais).

Lire des articles connexes (disponibles en français) :

Rapport sur l’état de droit 2023 : les instruments destinés à mettre fin à la corruption sont inefficaces

Civil Society in 2023: NGOs Still Left Out in the Cold

Rapports 2023 par pays et organisation(s) :

  • Le Rapport 2023 comprend les contributions de 45 organisations de défense des droits humains, représentant 18 États membres de l'UE :
    • Ligue des droits humains (Belgique),
    • Bulgarian Helsinki Committee (Bulgarie),
    • Centre for Peace Studies (Croatie),
    • League of Human Rights, Glopolis (République tchèque),
    • Human Rights Center (Estonie),
    • Vox Public (France),
    • the Society for Civil Rights, FragDenStaat, LobbyControl (Allemagne),
    • the Hungarian Civil Liberties Union (Hongrie),
    • the Irish Council for Civil Liberties, Irish Congress of Trade Unions, Trinity College Dublin School of Law, The Immigrant Council of Ireland, Inclusion Ireland, Intersex Ireland, Community Law and Mediation, Justice for Shane, Mercy Law Resource Centre, Irish Penal Reform Trust, The National Union of Journalists, Age Action Ireland, The Irish Network Against Racism, Outhouse, Irish Traveller Movement, Pavee Point, FLAC-Free Legal Advice Centres, Mental Health Reform (Irlande),
    • Antigone Association, Italian Coalition for Civil Liberties and Rights (CILD), A Buon Diritto Onlus, Association for Juridical Studies on Immigration or ASGI,Osservatorio Balcani e Caucaso Transeuropa (OBCT) (Italie),
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    • Peace Institute (Slovénie),
    • Rights International Spain (Espagne),
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