Technologies et droits

Débat sur les Fakes news : la Commission européenne doit garder la liberté d'expression au centre de sa réflexion

Liberties et d'autres ONG appellent la Commission européenne à ne pas se précipiter dans la mise en place de mesures visant à lutter contre les fausses informations, et à bien anticiper toutes les implications de ces mesures pour les libertés.

by LibertiesEU

Le 27 avril 2018, la Commission européenne a adopté une communication sur la lutte contre les fausses informations, intitulée "tackling online disinformation" (combattre la désinformation en ligne). Liberties, European Digital Rights (EDRi) et Access Now répondront communément en publiant un rapport alternatif dans les semaines qui viennent.

Nous appelons la Commission européenne à ne surtout pas se précipiter dans l'élaboration et la mise en place de mesures contraignantes concernant les "fakes news" (fausses informations), mais à plutôt prendre en considération l'expertise et les avis des experts en matière de droits numériques et libertés civiles. Liberties, European Digital Rights (EDRi) et Access Now précise que toute mesure visant à combattre la désinformation doit :

  • contenir une définition du problème précise et restreinte
  • s'appuyer sur des données empiriques sur les préjudices et torts d'échelle susceptible de nécessiter une intervention;
  • respecter pleinement le droit international en matière de droits humains, la liberté d'expression et la protection des données personnelles et de la vie privée ;
  • contenir des repères clairs;
  • faire l'objet d'examens en vue de prévenir les effets contreproductifs sur la liberté d'expression, la vie privée et les objectifs en matière de politique publique fixés par les mesures;
  • ne pas entraîner des conséquences sur le fonctionnement d'internet, et éviter, entre autres, sa fragmentation, et s'assurer de protéger sa sécurité, stabilité et résistance;
  • éviter tout mesure, telle qu'une mesure sur les droits d'auteur et droits apparentés qui rendrait l'accès au journalisme de qualité plus difficile et faciliterait la diffusion de fausses informations.

Liberties, European Digital Rights (EDRi) et Access Now travaillent à la publication d'un rapport alternatif prévue dans quelques semaines en vue de fournir une évaluation complète des propositions législatives en cours du point de vue des droits humains et d'émettre des recommandations.

"Nous devons tout d'abord comprendre le problème auquel nous sommes confrontés : le véritable effet des fausses informations. Pour cela, nous avons besoin des données et de recherches. Liberties exhorte les législateurs à ne pas placer des limites démesurées affectant la liberté d'expression et la vie privée. Restreindre ces droits ne représente pas une solution face aux fausses informations, mais peut au contraire aggraver la situation", a déclaré Eva Simon, responsable du plaidoyer pour la liberté d'expression à Liberties.

"Une bonne politique s'appuie sur des preuves. Pour le moment, nous sommes en présence d'initiatives de la part de la Commission européenne qui se contredisent quand il s'agit de définir le problème qui doit être réglé", a ajouté Maryant Fernández Pérez, conseiller en politiques de l'organisation European Digital Rights (Droits numériques européens, EDRi).

"Les législateurs doivent écarter les mesures génériques et trompeuses prises sous couvert de lutte contre les "fake news". Access Now appelle tous les acteurs à adopter, renforcer et respecter les règles applicable en matière de respect de la vie privée dans le cadre du suivi en ligne, ce qui peut permettre de résoudre des problèmes dans l'écosystème des informations, comme la propagation de la désinformation et le profilage des internautes", a déclaré Fanny Hidvégi, directrice de la Politique européenne de l'ONG Access Now.

Le contexte

Le 13 novembre 2017, la Commission européenne (CE) lance une consultation publique sur les "fakes news" et la "désinformation en ligne", laquelle n'a pas intégré une définition précise de ce que sont les fausses informations.

Le même jour, la CE annonce des plans visant à mettre en place un "groupe d'experts de haut niveau" sur les fausses informations, sans définir le sujet ou les sujets dans lesquels les expert.es sont censé.es être expert.es...

Le 12 janvier 2018, la CE nomme les 39 personnes composant le groupe, ce qui comprend 7 représentants de chaînes de télévision, mais aucun.e Rapporteur.e spécial des Nations Unies sur la liberté d'expression et d'opinion, ni de représentant d'organisation spécialisée dans les droits numériques.

Le 12 mars 2018, la CE publie une enquête d'opinion de Eurobarometer où les individus étaient interrogés sur leur point de vue sur les fakes news. Les participant.es, étaient cependant informé que les fakes news se définissent par des "informations ou nouvelles qui déforment la réalité, voire qui sont fausses". Le même jour, le "Groupe d'experts de haut niveau" présente son rapport final sur le même thème. Le rapport aurait bénéficié d'une plus grande diversité parmi ses membres. Par exemple, la définition de la "désinformation" y est trop large selon nous et se base davantage sur l'intention plutôt que sur les effets effectifs de la "désinformation". Nous saluons toutefois l'intégration au sein du rapport de plusieurs points essentiels:

  • Le Groupe d'experts de haut niveau remet en doute la méthodologie de l'enquête Eurobarometer, soulignant que "la recherche a montré que les citoyens associent souvent le terme "fake news" avec, en général, le débat politique partisan et le journalisme de mauvais qualité, plutôt que de l'associer avec des formes de désinformations plus pernicieuses et définies précisément". Cela montre clairement que le fait d'interroger sur les "fakes news" dans une enquête produit sans doute des résultats qui ne sont pas fiables.
  • La rapport explique clairement que la "censure et la surveillance en ligne et d'autres formes de réponses malavisées peuvent être considérablement contreproductives, et peuvent être utilisées par ceux qui diffusent des fausses informations, dans le contexte d'un récit "eux contre nous" à même de discréditer les réponses et solutions face à la désinformation et d'être contreproductif sur les court et long termes. La réflexion devrait aussi être axée sur le manque de transparence et sur la privatisation de la censure via la délégation de telles activités à des entreprises privées ou des organes/entités spécifiques.

Le 18 mars 2010, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a publié une opinion sur la manipulation en ligne et les données personnelles, lequel démontre à juste titre que le problème des "fakes news" est un "symptôme des marchés numériques concentrés et inqualifiables, de la surveillance permanente et du traitement incessant des données personnelles".

Le 26 avril 2018, la CE a quant à elle publié une communication sur les fausses informations et la désinformation en ligne. Comme elle l'a déjà fait antérieurement dans le cadre d'initiatives et propositions visant à résoudre des problèmes liés aux contenus illégaux ou indésirables sur le web, la CE omet :

  • de reconnaître que les mesures peuvent être contreproductives;
  • de recueillir des données pour être en mesure de se rendre compte de ces potentiels effets contreproductifs;
  • de planifier des mesures afin de trouver des solutions face à de tels effets.

Plus d'infos

Notre article du 12.03.218 : Sous couvert de lutte contre les fausses informations, l'UE pourrait bien tuer la liberté d'expression


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