Les parlementaires lituaniens cherchent à étendre les pouvoirs des forces de l'ordre afin de restreindre les droits des individus liés au crime organisé.
Le nouveau projet de loi, officiellement intitulée "Loi sur la prévention et le contrôle du crime organisé", prévoit pas moins de neuf mesures visant à réduire les droits d'une personne à la liberté, la propriété et le respect de la vie privée.
Des mesures strictes
Les tribunaux pourront interdire à un individu de rentrer en contact avec des personnes déterminées, de changer de lieu de résidence (avec l'obligation d'être présent à son domicile à des horaires donnés), de déplacer dans des lieux déterminés ou de conduire des véhicules, et ils pourront aussi exiger de la personne qu'elle informe un agent de police de ses transactions d'une valeur de plus de 1500 euros.
De plus, les tribunaux seront autorisés à ordonner des saisies de biens, à obliger une personne à déclarer ses richesses et prouver leur légitimité, à interdire temporairement à une personne de mener quelconque activité que ce soit ou à ordonner la surveillance électronique d'une personne.
Selon Karolis Liutkevičius, une experte juridique de l'Institut d'observation des droits de l'homme, alors qu'en termes de sévérité, ces mesures sont équivalentes à celles qui sont prises dans les procédures criminelles, elles manquent pourtant des garanties procédurales de ces dernières en ce qui concerne la protection des droits de l'homme :
"Ces mesures doivent être appliquées dès lors que les individus ne parviennent pas à tenir compte des mises en garde à ne pas enfreindre la loi qui leur sont envoyées par les forces de l'ordre. Il n'est pas précisé pourquoi les organes de répression, compte tenu des circonstances, n'engageraient pas d'enquête préliminaire", a déclaré Liutkevičius. "En outre, le projet de loi prévoit une procédure "simplifiée" pour appliquer ces mesures mais manque de garanties contre les abus, en précisant par exemple que les mesures en question ne devraient être prises que dans des circonstances exceptionnelles".
Aucune possibilité de porter plainte
Selon Liutkevičius, le principal problème du texte concerne le fait que les individus ne seraient pas à même de bénéficier des droits et garanties qui sont prévues dans les procédures pénales, tel que le droit à l'interprétation et à la traduction, le droit à une aide juridique garantie par l'État, ou encore le droit de présenter des preuves.
La loi permettrait aux autorités de saisir la propriété d'une personne, mais, encore une fois, cette mesure n'intègre pas les garanties procédurales prévues par le droit criminel. Les agents seraient aussi autorisés à filmer, prendre des photos ainsi que des données biométriques des personnes faisant l'objet des mesures de contrôle (un avertissement officiel ou un ordre de la cour).
"Encore une fois, si l'on en juge par le contenu de ce texte, il existe des mesures coercitives qui sont utilisées dans les procédures criminelles, mais contrairement au Code de procédure pénale, un individu ne peut pas les contester et ne peut donc pas défendre ses droits", remarque Liutkevičius.
Le projet de loi contient une autre disposition inquiétante : si une personne ne se présente pas a une audience suite à une ordonnance du tribunal, le tribunal doit ordonner sa détention provisoire (jusqu'à 48 heures). "Le tribunal n'a aucune marge de manoeuvre concernant cette détention. Elle doit être ordonnée dans tous les cas", ajoute Liutkevičius.
L'Institut d'observation des droits de l'homme et le Centre lituanien pour les droits de l'homme ont conjointement demandé au Comité des droits de l'homme de rejeter le projet de loi.