Démocratie et justice

Nouveau Pacte sur l'asile et la migration de l'UE : une opportunité à saisir pour assurer un meilleur système d'asile

Après avoir traité pendant des années la question de l'asile et de la migration en mode de gestion de crise, nous pensons que le nouveau Pacte sur l'asile et la migration constitue l'opportunité pour l'UE de changer d'orientation.

by Polish Helsinki Foundation for Human Rights

Avec ce nouveau pacte, l'UE et les États membres ont l'occasion de développer une politique en matière d'asile et d'immigration qui soit rationnelle et fondée sur le respect des droits fondamentaux. Les récentes coopérations entre pays membres nous font penser qu'un nouveau départ est possible, et que cela pourrait s'appuyer sur les enseignements tirés de la récente tentative ratée de réforme du régime d'asile européen commun (RAEC). Cependant, le pacte pourrait tout aussi bien de préparer le terrain en vue de porter atteinte aux propositions législatives, et en particulier à ce que l'on a intitulé l' "instrument frontière".

En finir avec les vieilles recettes cachées dans des emballages tout neufs

Certains États membres de l'UE continuent de promouvoir l'idée des procédures "à la frontière" obligatoires, au moyen de textes officieux et autres contributions informelles. En extrapolant ces documents et débats, nous pouvons voir que le potentiel "instrument frontalier" regrouperait les pires éléments et les plus controversés du programme de réformes du RAEC de 2016, associant à la fois des morceaux de la Directive relative aux procédures d'asile, le Règlement Dublin IV et la directive "retour" remaniée.

La procédure s'appliquerait à toute personne arrivant dans l'Union européenne et demandant à être protégée et entrainerait une expansion massive des centres de détention aux frontières. Le texte se verrait tronqué, avec de nombreux garde-fous retirés, mais requerrait toujours l'établissement d'infrastructures judiciaires dans les centres frontaliers. Il pourrait être combiné avec de nouvelles propositions de concepts obligatoires pour les pays sûrs et pour les pays de premier asile, ce qui entraverait l'accès à la protection internationale en Europe, contribuerait au confinement de réfugié.e.s dans d'autres régions, et compromettraient les efforts menés en vue d'avoir un partage plus équilibré des responsabilités à l'égard des personnes qui sont déplacées dans le monde.

La limitation des droits et le recours croissant à la détention ne représentent en aucun cas une solution

L'introduction de procédures "à la frontière" accélérées obligatoires ne permettrait pas un examen juste et efficace des demandes de protection internationale. Il est peu probable que tous les risques de refoulement puissent être évalués de manière adéquate dans le cadre d'une telle procédure, et de nombreuses versions du plan limitent de manière significative le droit à un recours effectif. En outre, cela conduira à une forte augmentation du nombre de personnes placées en détention, sachant que cette détention sera d'une durée aussi longue que celle des procédures de demande d'asile et de recours. Toute proposition qui limite l'accès à une procédure de demande d'asile juste et effective doit être rejetée.

Présenter les procédures à la frontière comme une recette miracle pour guérir tous les maux du système d'asile européen actuel est malhonnête. Cela aggravera au contraire de nombreuses failles et ne fera que reproduire la situation à laquelle nous assistons actuellement dans les îles grecques. Cela renforce également, au lieu de rééquilibrer, les responsabilités disproportionnées des pays se trouvant aux frontières de l'union. Alors qu'il y a actuellement une tentative visant à obtenir une forme de soutien en proposant des mesures de "solidarité", telle que la répartition des personnes dont les demandes sont jugées recevables, cela ne compensera pas le fait de devoir établir et gérer d'immenses prisons destinées aux personnes qui arrivent en Europe.

D'autres préoccupations concernant le pacte incluent le fait que ce dernier risque de se concentrer exclusivement sur les retours. En effet, l'UE pourrait difficilement investir plus de ressources qu'elle ne fait déjà dans les retours de migrants. Cette attention aux retours disproportionnée est préjudiciable et contre-productive, en plus de se faire au détriment d'investissements qui pourraient être faits en vue d'avoir des procédures de demande d'asile et procédure de recours justes et effectives. Il en va de même pour ce qui est des efforts continus menés en vue de transférer les responsabilités aux pays tiers à travers des accords informels ou une assistance au développement instrumentalisé, et ce afin d'atteindre les objectifs de contrôle de la migration fixés par l'UE.

Saisir l'opportunité que représente le Pacte pour mettre l'accent sur le respect des droits...

La clef pour que l'asile fonctionne en Europe consiste à assurer un plus grand respect des lois relatives à l'asile déjà existantes, et non à réformer (à l'exception du Règlement Dublin III). Les lacunes importantes observées dans l'application des lois existantes devant être traitées immédiatement comprennent : une mise en place de l'accueil inadéquate, des barrières à l'enregistrement, un manque de garanties procédurales spécifiques, la "loterie de l'asile" résultant d'un processus décisionnel de mauvais qualité et incohérent, ainsi qu'un recours dangereux et inefficace du Règlement Dublin. En outre, la pratique généralisée des renvois pratiqués aux frontières de l'UE doit cesser.

La Commission européenne doit corriger ces lacunes en assurant un contrôle du respect des lois, en évaluant la législation, en publiant des documents d'orientation en vue de promouvoir la bonne application des textes, et lorsque cela est pertinent, en enclenchant des procédures d'exécution et procédures d'infraction.

... et réformer le Règlement Dublin

Davantage d'acteurs européens sont prêts à reconnaître que le régime Dublin d'attribution des responsabilités a échoué, et cela est prometteur. Le pacte pourrait servir de base pour lancer un processus de réforme riche de sens. La proposition de Règlement Dublin IV n'a pas résolu la principale faille du régime Dublin : le premier pays d'arrivée se voit attribuer par défaut la responsabilité. Par conséquent, cela ne représente pas une bonne base de discussion. Cependant, il existe plusieurs propositions d'alternatives au Règlement Dublin qui prévoient une refonte approfondie du système, nécessaire à une éventuelle réforme digne de ce nom. Ces propositions doivent être mises sur la table si l'on souhaite trouver une solution qui soit juste, durable et humaine.

Dans le même temps, la marge de discrétion laissée aux pays membres dans le cadre de Dublin III signifie qu'ils peuvent faire des choix politiques en vue d'appliquer la réglementation d'un façon plus humaine et dans un mode plus respectueux vis-à-vis des droits, tout en atténuant les difficultés qui découlent du partage inégal et disproportionné des responsabilités incorporées dans le régime. Le simple fait de respecter la hiérarchie établie dans la réglementation constituerait un pas en avant vers l'amélioration de la situation pour les personnes réfugiées en Europe. En premier lieu, il convient de donner la priorité au regroupement familial. Deuxièmement, il s'agit de limiter les demandes de transfert, surtout quand elles sont vouées à l'échec, ce qui laisse les individus dans le flou juridique et réquisitionne des ressources judiciaires. Enfin, il s'agit aussi d'utiliser les clauses discrétionnaires (de souveraineté et humanitaires) dans l'intérêt des personnes réfugiées et de promouvoir la solidarité en assumer ses responsabilités lorsque cela est possible. D'autres mesures à court-terme peuvent aussi être mises en oeuvre, afin de faire face à l'impact négatif du système, comme la réinstallation des personnes réfugiées ou le recours à des fonds européens qui soit conformes aux besoins des personnes qui arrivent.

Étendre les voies d'accès à l'UE et soutenir l'inclusion via les droits

Le doit à la fois donné la priorité à un fonctionnement efficace de l'asile en Europe, et inclure une augmentation de grande ampleur des voies légales sûres afin que les personnes qui fuient la persécution, la guerre et les conflits, ou qui migrent pour d'autres raisons, soient en mesure de trouver la protection sans voir à dépendre de passeurs et autres trafiquants d'êtres humains. Il faut donner la priorité à l'inclusion en Europe, via les droits, le respect et l'harmonisation est aussi important que d'avoir un régime d'asile qui fonctionne.

Alors que l'intégration est une responsabilité nationale, l'UE a un rôle a joué, en révisant notamment son Plan d'action sur l'intégration de ressortissants de pays tiers et en sanctuarisant des fonds importants destinés à l'inclusion dans le cadre du prochain budget de l'UE (cadre financier pluriannuel 2021-2027). Les principaux droits pour lesquels l'UE a un rôle à jouer sont le droit au travail, qui doit inclure des mesures qui s'attaquent à l'exploitation sur le marché du travail, ainsi que le droit au logement pour tou.te.s, afin de trouver des solutions à la pauvreté et au sans-abrisme. Lutter contre les scandaleuses crises humanitaires en Europe, qui sont la conséquence du non respect de droits (au logement, à l'assistance sociale) de celles et ceux qui migrent, permettrait aussi de régler le problème de leur peur du grand public à l'égard de l'asile.

Développer le pacte en intégrant tous les acteurs dans la discussion

Les discussions autour du développement de politiques et propositions législatives devraient inclure bien plus d'acteurs que les seuls ministères de l'intérieur, tels que toues les ministères concernés, les agences de mise en oeuvre des politiques, a société civile au sens large du terme, et en particulier les personnes réfugiées et migrant.e.s. Nous défendons l'idée d'un processus de consultation qui inclut a la fois les ONG ainsi que les entreprises, les syndicats, les autorités locales et les universitaires, comme nous l'avons appelé de nos voeux dans une lettre jointe signée par de nombreuses ONG en janvier 2020.

Une pacte pour l'Europe commence en Europe

Ce pacte représente l'opportunité d'améliorer le système d'asile en Europe, d'étendre le nombre de canaux légaux pour l'immigration et de mobiliser le soutien de l'UE pour l'inclusion. Cela représente pour l'UE une chance de tenir ses engagements pris dans le cadre du Pacte mondial pour les réfugiés et du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, en les appliquant en Europe. Cela veut dire qu'il faut concentrer ses efforts sur ce qu'il est en train de se passer en Europe et non pas continuer d'externaliser les responsabilités, avec des traités qui compromettent l'état de droit et les droits humains, des valeurs sur lesquelles l'UE a été fondée.

Signataires :
Aditus Foundation
Amnesty International
Arbeiterwohlfahrt Bundesverband e.V.
ARSIS – Association for the Social Support of Youth
AsyLex
Bulgarian Helsinki Committee (BHC)
Caritas Europa
CCME
Centre for Peace Studies Zagreb
Conselho Português para os Refugiados – CPR (Portuguese Refugee Council)
Consiglio Italiano per i Rifugiati – CIR
Cyprus Refugee Council
Der Paritätische Gesamtverband
DRC Danish Refugee Council
Dutch Council for Refugees/VluchtelingenWerk Nederland
ECRE
Estonian Refugee Council
Finnish Refugee Advice Centre
FOCSIV, Italian Federation of Christian Organisation for International Volunteering (partner of the Faces of Migration project)
Forum réfugiés-Cosi
France terre d’asile
Fundación Cepaim acción integral con migrantes
Greek Council for Refugees (GCR)
Helsinki Foundation for Human Rights
Hungarian Helsinki Committee
ICMC Europe
International Rescue Committee (IRC)
Irish Refugee Council
JRS Europe
Legal-Informational Centre for NGOs, Slovenia – PIC
Missing Children Europe
Mobile Info Team
Network for Children’s Rights
NRC
OPU – Organizace pro pomoc uprchlíkům.
Passerell
Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants (PICUM)
Pro Asyl
Saferworld
SB OverSeas
SolidarityNow
Verein Projekt Integrationshaus
Vluchtelingenwerk Vlaanderen

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