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Devant l'ONU, neuf États membres de l'UE demandent à la Pologne de rétablir l'état de droit. Le feront-ils à Bruxelles?

Neuf pays membres de l'UE ont appelé, hier à l'ONU, la Pologne à rétablir l'indépendance du Tribunal constitutionnel ainsi que l'état de droit. Mais les ministres européens réitéreront-ils leur appel lors de la réunion du Conseil des affaires générales?

by LibertiesEU

Hier, la situation en Pologne a été scrutée à la loupe aux Nations Unies. Au cours d'une séance longue de trois heures au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, à Genève, des pays membres de l'organisation ont examiné l'état des droits et de la démocratie dans le pays. Jusqu'à présent, seuls quelques gouvernements ont ouvertement critiqué la détérioration de ces principes en Pologne.

Mais hier, l'Allemagne, la France, l'Espagne, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, l'Autriche, la Belgique et la République tchèque ont tous appelé la Pologne à laisser tomber les réformes de son gouvernement portant atteinte à l'autorité et au rôle effectif du Tribunal constitutionnel et qui menacent l'indépendance du système judiciaire dans son ensemble. Parmi ces gouvernements, plusieurs ont expressément demandé au gouvernement polonais de suivre les recommandations de la Commission européenne et ont appelé à la protection des médias et ONG.

L'indépendance de la justice en péril

L'état des droits de l'homme en Pologne s'est constamment détérioré depuis 2015, première année de la crise constitutionnelle traversée par le pays. Le gouvernement polonais a mis en place plusieurs réformes visant à paralyser la plus haute juridiction du pays (le Tribunal constitutionnel). L'objectif visé: éviter que soit contesté juridiquement son programme de lois et politiques controversées. Et le gouvernement n'en a pas fini avec ses réformes visant le pouvoir judiciaire. Pendant qu'à Genève, plusieurs gouvernements demandaient le retrait de ces réformes néfastes, le parti au pouvoir travaillait à l'élaboration d'une loi qui intensifierait l'influence du gouvernement dans le processus de désignation des membres du Conseil national de la justice. Il semble quelque peu surprenant que cet organe, chargé d'assurer l'indépendance du judiciaire, se soit montré très critique à l'égard des réformes visant le Tribunal constitutionnel.

Mais d'autres législations inquiètent tout autant, telless que le contrôle des services médiatiques publics ou encore les propositions de lois qui limiteraient le droit au manifestations pacifiques. Actuellement, le gouvernement réfléchit à d'autres réformes concernant la repartition des subventions destinées aux ONG, permettant de dissuader certaines ONG de se montrer critique à l'égard des politiques de ce dernier.

Le Conseil des affaires générales

Le gouvernement polonais s'est montré incapable de faire des concessions face aux critiques de la communauté internationale. La Commission européenne a récemment conclu une enquête d'une durée d'un an, où elle constate que les récentes réformes représentaient une "menace systématique" de l'état de droit. Toutefois, ses recommandations ont été largement ignorées, et la CE a indiqué qu'elle n'activerait pas le mécanisme prévu par l'article 7, notamment en raison du manque de soutien de la part des gouvernements européens membres du Conseil pour que soient infliger des sanctions. Cependant, dans une ultime tentative visant à créer une pression politique de l'UE, la Commission est parvenue à mettre la situation polonaise à l'ordre du jour de la prochaine session du Conseil des affaires générales du Conseil européen, qui se tiendra le 16 mai prochain.

C'est la première fois que l'état des droits d'un pays membre est mis à l'ordre du jour du Conseil. Les gouvernements des pays de l'UE tendent à maintenir un silence mutuel protecteur et n'avaient avant cela jamais débattu à Bruxelles, de manière officielle, des droits, de l'état de droit et de la démocratie au sein d'un pays membre en particulier.

Pourquoi? Parce que certains gouvernements craignent que les discussions au niveau de l'UE aient des implications bien plus profondes que celles tenues au sein d'autres organisations internationales, telles que l'ONU ou le Conseil de l'Europe. Et pour une bonne raison: les discussions et évènements politiques tenus à Bruxelles attirent bien plus l'attention médiatique et touchent davantage le public localement, que ne le font ceux de Genève ou de Strasbourg. Se voir étiqueter de "violateur de droits" par ses pairs peut amener des gouvernements qui, en principe, sont des alliés, à se montrer plus retissants à l'idée de collaborer au cours des négociations relatives à l'UE ou aux politiques commerciales et économiques, ce qui peut avoir de graves répercussions financières.

Fin de l'histoire?

En soi, la session du 16 mai du Conseil risque de ne rien offrir de mieux que des explications de la CE sur les résultats de son enquête sur la Pologne, sans qu'il n'y ait de discussion plus poussée. La Commission ayant déjà utilisé ses instruments juridiques, cela pourrait bien sonner le glas de toute pression sérieuse exercée par l'UE sur le gouvernement polonais.

Les gouvernements européens doivent cesser de se taire et réitérer à Bruxelles les inquiétudes qu'ils avaient exprimées à Genève. L'UE est fondée sur les "valeurs des droits fondamentaux, de la démocratie et de l'état de droit" et aucun pays n'est autorisé à rejoindre l'union si ces principes ne sont pas respectés. La pression politique des gouvernements au Conseil est l'un des seuls moyens restants à l'UE pour protéger les valeurs dont la défense est à l'origine de sa création.

Écrit par Israel Butler, de Civil Liberties Union for Europe & Małgorzata Szuleka, Helsinki Foundation for Human Rights.


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