Technologies et droits

Au lendemain du Brexit, l'UE sera-t-elle mieux à même de protéger ses valeurs fondamentales ?

Parce que la Grande Bretagne était soucieuse du respect des droits, tout en étant eurosceptique, son départ de l'UE aura des effets contrastés sur la politique communautaire en matière de droits fondamentaux.

by Israel Butler
Les personnalités politiques et les médias britanniques ont continuellement demandé l'annulation de la loi sur les droits de l'homme, afin que le pays mette fin à son adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme et limite l'impact juridique de la Charte des droits fondamentaux de l'UE.

Mais cela ne signifie pas que le Royaume Uni est hostile au principe des droits de l'homme. La principale critique vis-à-vis des ces règles ne relève pas vraiment de leur contenu, mais plutôt du fait qu'elles sont (à tort) perçues comme des règles européennes, imposées par des bureaucrates européens et supervisées par des juges européens. Il n'empêche que même les eurosceptiques sont encore plutôt attachés aux "libertés civiles". Le concept des libertés civiles parle plus aux Britanniques, bien que ces dernières ne diffèrent pas des droits de la Convention dans leur contenu.

L'état des droits en Grande Bretagne est loin d'être impeccable (prenez, par exemple, les récents efforts du gouvernent pour légaliser la surveillance de masse). Toutefois, si on le compare avec ses nombreux futurs ex-partenaires européens, le Royaume-Uni se débrouille bien. Il possède un système judiciaire de qualité et d'une grande intégrité, probablement le service de radio-télédiffusion le meilleur au monde, une institution nationale chargée de la promotion des droits de l'homme à laquelle l'ONU a donné une note "A", un faible niveau de corruption et une démocratie parlementaire au fonctionnement sérieux.

Ces caractéristiques nationales compétitives laissent donc penser que le départ du Royaume-Uni de l'UE aura des effets contrastés sur les politiques communautaires en matière de droits fondamentaux.

1. L'UE perdra un pays membre inspirant. Le Royaume-Uni se trouve généralement dans les bonnes grâces de l'UE, surtout lorsqu'il s'agit de lutte contre le racisme et la discrimination fondée sur le genre. La législation britannique interdisant la discrimination envers les femmes et les minorités avait 30 ans d'avance sur les règles européennes.

Le Royaume Uni fait figure de leader lorsqu'il s'agit de combattre les crimes de haine, ce qu'il, espérons-le, prouvera encore une fois face à la vague de xénophobie au lendemain du référendum. Le royaume est aussi considéré comme l'un des premiers à avoir abandonné les pratiques de contrôle au faciès (une pratique policière socialement nuisible et inefficace), toujours favorisées dans des pays comme la France ou les Pays-Bas.

L'Agence des droits fondamentaux de l'UE recueille des exemples de politiques respectueuses des droits à travers l'Europe afin d'aider les gouvernements à apprendre les uns des autres. Les chercheurs ont souvent éprouvé des difficultés à faire en sorte que chaque pays soit représenté de manière équitable à travers ces exemples de "pratiques prometteuses", du fait que le Royaume Uni a généralement un nombre élevé de politiques exemplaires en comparaison avec ses voisins.

2. Le départ du Royaume Uni débloquera peut-être les efforts fournis par d'autres gouvernements afin de renforcer la protection des droits de l'UE. Au cours de ces dernières années, la Grande Bretagne s'est opposée à toute mesure qui semblait donner à l'UE de plus grand pouvoirs (quand bien même il s'agissait de pouvoirs visant à promouvoir des valeurs que le Royaume Uni porte dans son territoire et à l'étranger, tel que l'État de droit et la démocratie) :

  • Le Royaume Uni est responsable d'avoir freiné l'adhésion de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme. Si l'UE y adhère, cela permettra aux individus de passer directement devant la Cour de Strasbourg si l'UE (et non des gouvernements nationaux) interfère avec leurs droits.
  • Le Royaume Uni a descendu les tentatives faites pour ajouter le droit pénal européen à la liste des questions sur lesquelles L'Agence des droits fondamentaux de l'UE peut effectuer des rapports. L'organisme de recherche pourrait aider à signaler les cas où les citoyens européens sont traités injustement par le système de justice pénale de leur propre pays ou de celui d'un autre.
  • En 2013, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et le Danemark ont appelé l'Union à trouver de nouveaux moyens de garantir les droits fondamentaux, l'État de droit et la démocratie au sein de l'UE. En réponse, la Commission a créé un "cadre" de l'État de droit en 2014, qui lui permet d'enquêter sur un pays membre qui menace l'État de droit (c'est actuellement le cas de la Pologne). Mais le Royaume-Uni a tenté de mettre des bâtons dans les roues de la nouvelle mesure de la Commission, en faisant appel au Service juridique du Conseil afin qu'il rende un avis sur la légalité de ce cadre et sachant que celui-ci irait à l'encontre de la décision de la Commission. Ces requêtes étant habituellement réservées au pays assurant la présidence (il s'agissait à l'époque de l'Italie), cela n'a pas manquer d'en faire sourciller plus d'un parmi les autres gouvernements. Il est d'ailleurs difficile de trouver un expert juridique qui soit d'accord avec les analyses du service juridique du Conseil.
  • Au sein du Conseil, les gouvernements nationaux ont continué de mettre en place leur propre processus en vue d'aider à la protection de l'État de droit : un "débat annuel" sur l'État de droit. Les deux premiers débats ont affiché des ambitions très modestes, en partie en raison de l'opposition du Royaume Uni au renforcement du contrôle de l'UE. Plus de gouvernements de l'UE ont appelé à renforcer le processus et le Brexit constitue un obstacle de taille en moins.

3. Les gouvernements régressifs de Hongrie et de Pologne seront plus vulnérables face à la pression exercée par l'UE. Le gouvernement britannique s'est allié à ceux de Viktor Orbán (Hongrie) et Beata Szydło (Pologne) en échange de leur soutien sur des questions telless que la crise des réfugiés et les négociations préalables au référendum sur le Brexit. L'appui de la Grande Bretagne a sapé les efforts réalisés par l'UE et d'autres gouvernements afin de faire pression sur ces gouvernements, à travers l'isolation politique, accusés de s'être pris à leurs tribunaux constitutionnels et à leurs services médiatiques publics, et d'avoir affaibli les garanties des droits de l'homme.

Sans le Royaume Uni, l'UE pourrait être mieux à même de se sauver. Les populistes ne souhaitent pas seulement "démembrer" l'UE : ils veulent aussi renverser les valeurs que sont la démocratie, les droits fondamentaux et l'État de droit. L'Union ne pouvait pas faire face à cette menace tant qu'un de ses membres, aussi influent que le Royaume Uni, faisait traîner les choses.

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